séparateur paragraphe

La vitalité

April 2019
囀りや 朝の湯ぶねを 溢れしめ
Saezuri ya
asa no yubune wo
afure shime
Le gazouillis des oiseaux –
la baignoire au matin
déborde

Akiko Noguchi

Quand la vitalité déborde, c’est de tous côtés. Elle donne l’élan pour être heureux, parer au plus pressé ou faire face à l’adversité.

La vitalité fait redresser la tête des nouveaux-nés couchés sur le ventre, sauter de joie les enfants, accomplir des merveilles aux adultes. Le quotidien s’écoule avec ses hauts et ses bas, mais sans lourdeur, dans cette fluidité qui a le don de contourner les obstacles et rebondir librement.

Le geste plein de vitalité est d’autant plus efficace qu’il est minimal et adéquat : la personne réalise après coup avoir fait ce qu’il fallait faire. Cette facilité déconcertante ne convoque pas la volonté comme une obligation : la chose se fait comme d’elle-même, sans effort apparent.

Mais la vitalité se cache aussi à travers des choses désagréables, et l’erreur serait de penser qu’elle fait alors défaut. Au plus pourrait-on dire que l’organisme fait tout pour la raviver quand elle est mise en danger. Une personne venait me voir pour des tensions diverses et douloureuses, avec un « vide d’énergie » lui avait-on dit. Mais il faut une belle vitalité pour avoir autant de tensions ! La capacité d’un muscle à se tendre spontanément à l’extrême va redonner du champ entre détente et tension : plus l’un et l’autre sont éloignés, plus l’élasticité est préservée. Supprimer autoritairement une crampe en l’empêchant de s’exprimer ? Les personnes disent se sentir ensuite toutes ramollies.Alors que pourvoir l’organisme en repos, chaleur, magnésium et/ou calcium etc.selon les cas, ou laisser faire à la crampe son travail, vont dans le sens du rééquilibrage demandé par le corps.

Il y a aussi les vitalités qui attendent le début des vacances, ou la résolution d’une situation pénible pour signaler leurs besoins.

Un jeune couple d’amoureux était désespéré. Ils ne pouvaient se voir qu’une fois par mois, et chaque fois qu’ils se retrouvaient, ils étaient fous de joie. Or, dès le lendemain matin, au plus tard le surlendemain, ils tombaient malades : rhume, lumbago, migraine…Ils en étaient arrivés à envisager de se séparer, se disant que peut-être ils étaient nocifs l’un pour l’autre.

Je leur ai expliqué que loin de « tomber malades » ils « s’élevaient bonades » : leur corps profitait de ce temps de bonheur magnifique pour faire ce que leur profession ne leur laissait jamais le loisir de régler. Porter des charges trop lourdes pour soi, écourter systématiquement son sommeil, souffrir de cette séparation : tous ces petits dérèglements s’accumulaient pendant un mois.Leur rencontre amoureuse leur permettait de lâcher les grandes eaux, et jeunesse aidant, les symptômes bénins allaient bon train puis passaient rapidement.

Nos tourtereaux non seulement gazouillaient mais, plongeant dans la baignoire, la faisaient allègrement déborder…

Andréine Bel