Les sentiments couvent sous les cendres, leur incandescence règle la distance. Celle des mots, leur effet.
La vie a une épaisseur. Retenir la parole est la puissance qui tient en respect le danger. Le danger de se perdre, de juger et faire juger. Avoir cette lucidité. Mais donner sa parole à propos, quel défi !
La vie a sa puissance. Nul sportif de haut niveau dépenserait toutes son énergie hors propos. Nul artiste chercherait à caresser l’œil qui le regarde. Nul praticien à mains nues voudrait flatter ou dénigrer la personne qui se fie à lui. La parole absente croit s’en tirer ainsi. Elle peut créer un abîme. La parole nuisible a bien des atours, celui d’être facile. Avant de vouloir aider, la toute première question est : comment ne pas nuire ?
Le fildefériste n’essaie pas de marcher en laissant immobile son fil. Il se sert de ses bras comme balancier pour se préserver de l’abîme comme du gouffre. C’est par défaut que l’équilibre se maintient, entre deux erreurs perçues et évitées.
Ainsi en va-t-il du geste adéquat par les mains qui accompagnent. N’est-il pas plus réaliste de repérer les erreurs qui se comptent pas milliers que de vouloir saisir le geste juste, unique à chaque instant ? Apprendre de nos erreurs avant de les commettre. L’inhibition adéquate retient les chevaux au galop de nos pensées inadéquates.
Même au fond de la nuit, l’innocence peut être ainsi préservée. Ou retrouvée.
Andréine Bel