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Le regret

April 2022
悔いなしと 言い切れぬこと 紫木蓮
kui nashi to
iikirenu koto
shimokuren
Être sans regret –
je ne peux dire
comme le magnolia pourpre

Akiko Noguchi

Quand les feuilles du magnolia poussent, c’est pour offrir au printemps ses étoiles pourpres. Nul regret dans la nature végétale, une lente obsession à frayer son chemin, une patiente mise en œuvre imperceptible mais sûre de son fait.

Le regret est né avec le choix possible : la main qui accompagne est allée par ici, mais elle aurait pu aller par là. Elle a choisi de presser ceci, pourquoi ne pas avoir tendu cela ? Pourquoi d’abord ce geste, ensuite celui-là ?

Une technique bien ordonnée envisage ce florilège de questions et élabore un protocole : dans tel cas, il est bon de faire ainsi, dans tel autre, le mieux est de procéder autrement.

Mais quand aucune technique n’est possible ni même souhaitable ? Quand la carte fait place au territoire, et que la connaissance se remet en question, que reste-il?

Il n’y a rien de pire que cette assurance qui fait croire à la main qu’elle possède la vérité. Mais le doute permanent n’est pas mieux, il empêche l’arbre de fleurir, la sève de circuler.

Anticiper le regret1 est peut-être ce qui bouscule le moins l’organisme. La main agit, et comme elle n’est pas omnisciente, elle réajuste son geste au fur et à mesure des besoins qu'elle perçoit. Et comme elle n’est pas omnipotente, elle ne se fait aucune illusion : elle rend les armes avant de les avoir prises.

L’organisme accompagné n’en revient pas. Il n’a pas à se défendre ni à se méfier : l’invasion n’aura pas lieu. Il garde les yeux ouverts : sa conscience se déploie comme magnolia au soleil. Ses capacités envisagent les possibles : c’est lui qui décide quand et comment. Est-ce trop demander ? La question est d’actualité.

Andréine bel

1  Houdé, Olivier (2019). L’intelligence n’est pas un algorithme. Paris : Odile Jacob.