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L’auto-apprentissage coopératif

January 2023

Avec mes vœux de belle et bonne année nouvelle à tous, aujourd’hui je voudrais vous parler de ce qui est au cœur du yukidō : l'auto-apprentissage coopératif.

Le yukidō a une force spécifique qui le fait cheminer : depuis le début, son mode d’élaboration est allé de pair avec celui de transmission. Cela a été rendu possible grâce à l’exercice à plusieurs de l’esprit critique et discernant.

Bien sûr, cette pratique du soin par le toucher n’est pas tombée du ciel. Elle a une histoire qui vient du Noguchi seitai et du reboutage. 

Mais le yukidō a commencé un beau jour d’automne 1995, fruit d'une insatisfaction totale mêlée à un sentiment d’impuissance qui m’ont mise au pied du mur. Après 20 ans de pratique du seitai et du reboutage, il m’a fallu me rendre à l’évidence : j’étais comme une aveugle dans un tunnel, à tenter de deviner ce que mes mains touchaient et sentaient. Il me fallait tout reprendre du début. Ne plus rien projeter.

Tout reprendre du début ne veut pas dire renier ce qui a été acquis. Cela veut dire porter un regard critique sur sa propre pratique, à chaque instant. Ne rien projeter, c’est renoncer au confort des recettes, au prétexte qu’elles ont fait leur preuve.

Mais alors, à ce point singulier où tout est remis en question, que vont devenir observation et discernement critique ? Dès qu’un savoir s’élabore, ne le fixe-t-on pas, pour ne pas avoir à le réinventer chaque jour ?

L’élaboration du yukidō a nécessité un partenaire qui veille au grain, assez neutre pour être toléré par chaque pratiquant, assez efficace pour que personne ne perde son temps. Ce partenaire, c’est l’auto-apprentissage coopératif. Inévitable pour une pratique qui part des sensations, l’auto-apprentissage gagne à être « coopératif », c’est à dire partagé et questionné à plusieurs, sans cesse. C’est un garde-fou puissant.

Autant dire que ce n’est pas le chemin de la facilité, ni le plus court : voies de garage à chaque détour, allers et retours incessants, à rebrousse-poil de toute croyance ou même évidence. Mais c’est le plus décapant, intéressant et motivant qu’il m’ait été donné d’emprunter.

Un savoir qui s’élabore à partir de l’auto-apprentissage coopératif gagne en puissance selon la mesure de son questionnement. Et nous voici à la source d’une  transmission qui ne se contente pas de recommandations et d’imitations, mais qui est elle-même en position de recherche. Avec cette question récurrente : comment faire en sorte que le fond et la forme se déploient en bonne intelligence réciproque ?

Il ne s’agirait pas de sortir du tunnel en ayant les bras chargés de nouvelles recettes, ni de retrouver une vue tant soit peu correcte en chaussant des lunettes roses, vertes ou bleues. Il s’agit de garder vigilance et constance. Le vivant est changeant, l’acquis doit s’adapter, les sensations nous enseignent, mais directement. C’est déjà ça !

L’auto-apprentissage coopératif permet à chacun de ne pas tourner en rond avec sa propre pensée et perception. Stages et ateliers sont devenus possibles dès 1999, avec une avancée en 2005 quand une recherche critique partagée a pu se mettre en place pendant les ateliers du Tilt. Puis avec la manufacture à partir de 2018, quand la transmission a mis en regard le yukidō avec des travaux de philosophes, chercheurs scientifiques, artistes, sportifs...

Une question particulièrement nous sollicite : comment mettre en œuvre l’équilibre – toujours instable – de l'observation et de l’action à travers le lâcher-prise que nécessitent les perceptions ? “Vider l’esprit” ? Ceci reviendrait à nier que le cerveau est d’abord « du corps », avec toutes ses compétences. Chercher un « état modifié de conscience », ou au contraire permettre à la conscience de déployer sa clarté ?

Ce travail toujours remis sur le métier exige des repères qui font appel à la raison autant qu’au ressenti. L’interprétation des sensations est sujette à caution. Ces vibrations, viennent-elles de l’arbre, ou de mes bras et mains qui enserrent son tronc ? Ces légers fourmillements que je perçois sur ma paume en contact avec l’air, sont-ils causés par des fourmis qui peupleraient l’air, ou par ma main qui sort de son engourdissement ?

Raison garder permet d’y voir clair et d’avancer sans tirer de conclusions hâtives. C’est déjà un bon début…

 

Pour aller plus loin :

- Ateliers du Tilt : https://www.leti.lt

- Auto-apprentissage coopératif : terme qui revient à Guy Poitevin pour son travail en Inde :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Guy_Poitevin

- Deux livres par Andréine Bel, accessibles sur le site :
https://www.yukido.fr/#livres

 « Le Corps accordé » (2014) et « Santé autonome » (2016), Ed. Le Tilt.

-  Un  livre sera bientôt publié :  « Yukidō, l’art du soin par le toucher » .

- La Manufacture yukidō, ouverte au Thoronet (83340) en 2018, au Cœur des Pételins :
https://www.aucoeurdespetelins.fr
 Présentation et dates pour les stages et ateliers en cours :
https://www.yukido.fr/articles/la-manufacture-yukido