Le corps se souvient et demande de ne pas l’oublier, comme les myosotis que les Japonais traduisent par wasurenagusa : « Ne m’oublie pas ».
Le corps se souvient du plaisir et du déplaisir, des joies et des peines qui l’ont marqué. Comme un chat échaudé, il évite ce qui lui est néfaste, et choisit ce qui lui est propice. Il garde trace des chutes et des chocs qui l’ont secoué et meurtri. Bien sûr, on se relève, on n’est pas mort, on continue sa route. Cependant,la fragilité engendrée travaille à bas bruit. Un mois, un an plus tard… un symptôme se déclenche : il suffit d’une grosse fatigue, d’un souci, d’un stress inhabituel pour que sciatique, lumbago, jambes sans repos, sinusite, acouphènes, etc. se déclarent.
Ces maux bénins passent le plus souvent spontanément et sans encombre. Mais un manque de repos, ou une mise en mouvement inadéquate ont tôt fait de les rendre chroniques. Ils restent fonctionnels et ne s’attaquent pas aux capacités organiques, mais ils peuvent se révéler invalidants au quotidien.
Face à un symptôme bénin mais chronique, le « toucher de la sensation interne » peut percevoir un engourdissement plus ou moins étendu et profond à l’emplacement de la douleur, et plus loin dans le corps. Avant cela, une « immobilité » des flux de température, consistances et mouvements a pu se révéler. Ou une apathie. L'organisme est figé.
Le corps-esprit-myosotis n’est pas prêt à évoluer. Il demande en premier que l’on se souvienne de lui, de son histoire. Ce qui l’a heurté profondément l’a sollicité. Il se protège de tout geste non parfaitement adapté à ses propres besoins.
Enlever une protection n’est jamais une bonne solution. Défaire les nœuds de tension peut paraître miraculeux : la douleur s’évapore et tout le monde s’en réjouit. Mais le trouble engendré par le défaut de protection déplace ou renforce l’affection de départ.
Respecter une protection, c'est « aller » avec elle. À la main sensible apparaissent les chutes, chocs et blessures sans toujours pouvoir dire s’ils sont d’origine psychique ou corporelle. Mais le seul fait d’être reconnus et accompagnés dans les besoins qu’ils expriment de tension, pression ou immobilité les dissout pour de bon.
L’organisme retrouve une force, un renouveau qu’il avait mis en sourdine pour parer au plus pressé. Peu à peu, il enlève les protections qui n’ont plus de raison d’être. Le souvenir à fleur de peau s’apaise.
Andréine Bel