La perception tactile des sensations et de leur infinie variété laisse l’observateur sans voix. Tout semble partir dans tous les sens lorsqu’on essaie de nommer une sensation tactile. Ce passage du livre « L’ostéopathie exactement »1 résume parfaitement le problème :
« […] ça bat, ça chauffe, ça picote, ça fourmille, ça s’effondre, ça glisse, ça vient de l’autre ou ça vient de moi, circulations mêlées, mouvements induits, autosuggestion, repères inexistants, rien n’est sûr, je suis perdue, submergée et complètement découragée. »
Je développe dans mon livre « Le Corps accordé » comment j’en suis venue, au fil de trois décennies, à distinguer les sensations perçues « sous » la main, de celles « dans » la main » (ça vient de l’autre ou ça vient de moi). Puis à nommer les impressions sensorielles d’accompagnement (ça s’effondre, etc.). La pratique demande de savoir situer la perception et l’interaction que l’on peut avoir avec cette perception (mouvements induits ? autosuggestion ?). Le tout avec ce questionnement indispensable au praticien à main nue : quels sont les repères ?
Trois paramètres à une sensation : Il n’y a pas ici ou là un chaud interne, une crampe ou un picotement… Mais un chaud crampé et picotant, ou une crampe chaude et picotante, ou encore un picotement chaud et crampé, selon que la sensation dominante est le chaud, la crampe ou le picotement. Le tout naturellement avec des variations infinies d’intensité.
Percevoir cette mouvance avec les mains demande de ne pas avoir d’intention pour elle. L’espace et le temps deviennent aussi élastiques et changeants que les sensations perçues. La succession d’états et d’événements fait place à un « magma » en évolution. La sensation interne devient « une » : chacun de ses paramètres varie et influence plus ou moins les autres.
En quoi ces paramètres sont-ils importants pour le praticien à main nue ?
Lorsque les paramètres sortent de leur « normalité » – celle que l’on pressent à un instant T – ils indiquent au praticien un travail spécifique de l’organisme qu'il peut alors accompagner. La personne retrouve un équilibre où la température est douce, la consistance élastique et le mouvement dynamique. Un ensemble serein.
Andréine Bel
1 Issartel, Lionnelle ; Issartel, Marielle (2005). L’ostéopathie exactement. Paris : RobertLaffont (première publication 1983). p. 191.