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Les savoirs

November 2020
師も弟子も みな若かりし 暖炉の夜
shi mo deshi mo
mina wakakarishi
danro no yoru
Maître et disciples –
tous si plein de jeunesse
le soir auprès du feu

Akiko Noguchi

La connaissance réchauffe, comme le feu autour duquel on se rassemble. Elle est le commencement de quelque chose, nourrit sans rassasier, pose des questions. L’intelligence est mise en œuvre, mise en commun de ce qui compte et confrontation qui décille le regard.

Fruit des générations passées, la connaissance perd des plumes au présent : c’est pour mieux repousser. Devant elle, ni maître ni disciple, mais un apprenant.

L’expérience la saisit mais l’innocence la veut : ne plus savoir, vider la cruche pour qu’elle puisse se remplir. Ne pas vider l’esprit, ce serait vider le corps. Il faut à la connaissance des mains et des pieds pour avancer, un ventre et une tête pour prendre à bras le corps, une bouche pour mastiquer et embrasser, un estomac pour digérer, un intestin pour prendre l’essentiel et évacuer le rebut. Rebut retournant à la terre, laissée en friche un temps, puis un jour retournée, sens dessus dessous.

Quand Haruchika Noguchi battait la campagne japonaise dévastée au sortir de la guerre, il ne pouvait enseigner la technique savante du seitai : les blessés se sont « pris en main » et ont découvert, à partir de leur organisme lui-même, des ressources insoupçonnées.

Quand Étienne Chambonnet recevait chez lui, ses mains de rebouteux agissaient « d’elles-mêmes » pour remettre bout à bout ce qui était démis. Puis le corps rebouté prenait la relève : il « se » guérissait.

Devant la créativité du vivant, le mieux n’est-il pas de l’écouter, et nous réchauffer ainsi, un soir auprès du feu ?

Andréine Bel