Le début de la saison des pluies est synonyme de fertilité et promesse de fraîcheur. Mais le chemin peut se révéler sinueux.
Évaluant le senti, le ressenti dit beaucoup. Si telle sensation nous est déplaisante comme la voix du corbeau, ou agréable comme le chant de la première pluie, c’est en partie parce que nous avons appris à détester l’une et adorer l’autre. Le contexte, les souvenirs et nos croyances forment un substrat à notre vécu, lui donnant ses teintes, avec les harmonies, assonances ou dissonances que cela suppose.
En partie seulement. Car le senti est là : avant d’être jaugé, il nous dit ce qu’il en est pour nous : « ça va » ou « ça ne va pas ».
Ma tête n’a pas eu le temps de se dire quoi que ce soit lorsque j’ai buté sur un rocher, le nez en premier. Le premier temps de surprise passé, un « scanner sensoriel » automatique, immédiat et précis de la situation de mon corps a été catégorique : des contusions, quelques égratignures, rien de cassé. J’étais secouée, au sens propre. Je sentais qu’il me fallait rester tranquille et laisser les choses en moi reprendre leur place. Un jour et demi ont été nécessaires pour que ma vie quotidienne puisse reprendre son cours normal. La vivacité des gestes a mis tout ce temps à revenir.
Carla me raconte : après un accident de voiture il y a trois mois lui causant le coup du lapin, la radio a signalé un léger tassement des disques de trois cervicales. Une séance thérapeutique le lendemain, et toute douleur est partie. Carla a repris le travail. Pendant trois jours, tout a été parfait. Mais au matin suivant, Carla s’est retrouvée terrassée de fatigue, avec des nausées et la tête douloureuse. Muscles amorphes et cou en grande fragilité. Les absences récurrentes au travail n’y ont rien changé. Depuis tout ce temps, Carla garde une douleur au cou et aux épaules. Pour résumer, elle me dit : « Ça ne va pas ».
Le toucher de la sensation interne a immédiatement perçu la bousculade encore présente. Au niveau du crâne, les flux de température, consistance et mouvement internes sont immobiles, comme suspendus, pendant vingt minutes. Puis froid piquant, chaud intense, crampes engourdies et picotantes ont alterné au gré de trois séances rapprochées – une tous les trois jours. Les flux ont indiqué directement aux mains ce qu’il fallait faire ou ne pas faire. Le chaud interne au niveau du haut du corps s’est rétabli. Les hanches, les épaules et le cou se sont détendus et le cours normal de la vie a pu reprendre.
Ma lecture du phénomène : deux ou trois jours de repos complet juste après l’accident auraient évité cette fragilisation qui pouvait durer encore des années. En crispant la nuque et les épaules sous l’impact du choc, en raidissant les hanches, le corps « sait ce qu’il fait ». Il faut lui donner du temps et un confort à sa mesure. Il s’agit pour lui de protéger toute la zone affectée et permettre au cerveau de « digérer » à son rythme l’impact de la secousse qu’il a subie.
« On ne fait pas pousser le riz en tirant dessus », aurait dit Akiko-san. Même la réponse douloureuse du corps peut être promesse de fraîcheur et de bien-être…
Andréine Bel