Se donner du cœur à l’ouvrage assure la continuité de l’œuvre. Souvent il faut repartir du début pour avancer, de nouveau et encore de nouveau. Comment ne pas perdre courage ?
L’impression est de recommencer ce que l’on a déjà fait. Mais entre-temps, les nuages se sont accumulés ou dispersés, la tâche n’est jamais tout à fait la même. C’est dans l’attention à ces détails que la saveur du recommencement peut se développer pour améliorer le geste, l’écrit, la partition…
Les Japonais l’appellent le « ki do ma » : au moment approprié, à la bonne intensité et à la juste distance. La justesse est au cœur de l’adéquation entre le mouvement et son environnement.
Les anglophones l’appellent le “try and fail” : essayer et se tromper, puis recommencer, jusqu’à s’approcher du mieux que l’on peut faire.
La qualité du geste d’accompagnement est tributaire des deux. Il lui faut la précision du « ki do ma » et le tâtonnement du “try and fail”, car l’un ne va pas sans l’autre : la recherche de la justesse deviendrait un absolu intolérable d’exigence alors qu’il nous faut tenir sur le long cours du recommencement.
Il y a dans le geste répétitif l’espace et le temps pour se pencher sur lui : l’esprit est au calme et les sens déployés. Il est l’occasion de parfaire son rythme et son dessin, en laissant les enjeux au vestiaire.
Depuis que le monde est monde, aucun geste ne peut se vanter d’être inconnu au répertoire. Après tout, il n’y a que trois dimensions pour structurer un mouvement et nous n’avons que deux mains et un corps pour accompagner les sensations internes qu’ils perçoivent. Mais chaque geste peut revendiquer d’être unique dans son interaction avec ce qu’il anime.
Dans son répertoire sensoriel et gestuel, l’accompagnant va de pressions en tensions adéquates et vice versa pour répondre aux besoins sensibles avec la main, la paume, une articulation, le doigt, sa pulpe ou son ongle.
Entre pression et tension exercées par la main, c’est une histoire d’amour. Chacune a sa part d’autonomie mais les deux travaillent ensemble : en pressant je tire, et pour tirer, je presse.
Tour à tour chaîne et trame, pression et tension jouent le rôle de navette, comme les cueilleuses de thé qui reprennent leur chant à chaque rangée…