Abreuver la terre de ses larmes, elles se transforment en perles de rosée, au matin d’une veillée mortuaire qui a duré toute la nuit.
Le début de ce haïku1 d’Akiko Noguchi reprend en partie le poème2 écrit par un disciple du grand poète Masaoka Shiki3 après ses funérailles. Trop jeune pour mourir, tristesse et solitude, furent les trois sentiments partagés par tous ses amis et admirateurs.
Ce qui est insoutenable, irrémédiable et irrévocable crée un vide, puis un manque que l’organisme n’aura de cesse de vouloir combler. Les cris puissants et longs feront se vider ce vide. Les poings qui battent la poitrine redonnent du rythme à ce qui finirait par ne plus battre. Les mains enserrées autour de la tête lui rendent quelque cohérence. Le corps désorienté se plie, tombe à genoux, embrasse la terre, mais il se relève.
On sent poindre les crampes, fourmillements, grésillements, picotements brûlants… Ils viennent de loin, prennent peu à peu leur ampleur, à leur juste mesure, au bon rythme. La vie s’active. Elle se réorganise, s'oriente.
Andréine Bel
1 Ce poème a été écrit par Akiko Noguchi probablement à la mort de son époux.
2 Le poème commençait ainsi : « nokosareta mono no madoi no »
3 Shiki (1867-1902) est considéré comme un des quatre maîtres classiques du haïku japonais,avec Bashō, Buson et Issa.