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La simultanéité

July 2019
どの部屋も 梅の匂ひの 夜干かな
Dono heya mo
ume no nioi no
yakan kana
Quelle que soit la pièce de la maison –
le parfum des fleurs de prunier
du soleil couchant

Akiko Noguchi

Lorsque ma main perçoit une sensation interne à elle-même, ce peut être une chaleur douce, une certaine souplesse et de petits picotements. J’en déduis avoir capté trois sensations : une relative aux températures, l’autre aux consistances et la troisième aux mouvements internes. En réalité, je n’ai perçu qu’une sensation, avec ses trois paramètres qui la définissent et la qualifient. Comment cela est-il possible ?

Une sensation « normale » ne se remarque pas, elle fait partie de ce que je connais et vis de manière confortable, et j’ai donc tendance à ne pas la nommer. Ne la percevant pas, c’est comme si elle n’existait pas.

Dès qu’elle sort de cette zone connue, mon attention est attirée. Si la perception s’exacerbe, cela m’alerte. L’inflammation des tendons va donner à mon poignet une impression de brûlure, de raideur avec des picotements chauds sur un fond froid. Il faut alors un apport extérieur de chaleur (bain chaud de la main et du poignet) pour combler l’excès de froid sous-jacent et permettre à l’excès de chaud compensateur de diminuer. Les températures internes du poignet se régulent, ce qui l’assouplit tout en apaisant ses picotements. Tout cela se fait simultanément, en une transformation constante et unifiée dans l’ensemble du corps.

Bien sûr les mots s’écrivent l’un après l’autre, donnant une chronicité au récit, à la description de ce que je ressens. Mais plonger dans les sensations, c’est comme entrer dans la maison d’Akiko au soir d’un jour radieux d’été : la sensation est partout, immanente et unique mais infiniment variée, au point que le soleil couchant lui-même semble avoir ce parfum de fleurs de prunier, à moins que ce ne soit l’inverse. Comment savoir ?

Les mots qui décrivent sont bien pauvres à rendre le foisonnement instantané des sensations perçues, cette simultanéité des perceptions toujours en devenir. Seule la poésie peut accomplir ce miracle…

Andréine Bel