C’est pendant le sommeil que poussent les os et que se répare la psyché, pendant la nuit que s’éveillent les sens. Le bruit s’est estompé, la vitesse décélère, un autre royaume s’ouvre. Le calme bienfaisant affine l’ouïe, décuple la vision, ouvre les papilles, parfume les narines lourdes des senteurs du soir. Seul l’air en touchant la peau nous dit la fraîcheur des heures nocturnes.
Quand ce royaume entre en expansion, c’est la poussée.
Comme la vie, la poussée ne peut se définir, mais dès qu’on a le dos tourné, les premières dents finissent par percer et les anciennes par tomber. Les bourgeons deviennent joufflus, les écorces font peau neuve et les vieilles branches découvrent ce rameau tout nouveau.
Est-ce le son qui augmente ou ma capacité à l’entendre ? Est-ce le torrent qui grossit ou bien la nuit fait silence ?
La poussée est cette force du corps qui soulève les montagnes, celle qui ramène la main en surface après qu’une pression ait été exercée.
Car la poussée libère la pression, celle de la sève qui monte et éclot en bourgeon, comme celle qui descend dans les os, chair, corps et âme.
Même la pression atone peut reprendre du tonus : il lui suffit de quelques temps immobiles et sereins de l’attente sans attente, où tout redevient possible.
Alors les pressions toniques entrent en jeu, larges comme de grands enserrements ou ciblant la profondeur. Il y a celles du plein qui déborde comme celles du vide qui aspire, celles qui révèlent au grand jour l’indicible pour mieux s’apaiser dans le ventre de la nuit.
Sans pression, pas de poussée vers l’aube naissante…
Andréine Bel