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L’(auto-)apprentissage coopératif en yukido

July 2018
どの客も おなじ団扇で 鰌鍋
Dono kyaku mo
onaji uchiwa de
dojō nabe
Pour chaque convive
le même éventail d'été
autour du loche fumant

Akiko Noguchi

On réfléchit mieux à plusieurs que seul. Encore faut-il apprendre à réfléchir ensemble, et non à la place d’autrui. Ne pas pré-supposer ce que « l’autre » sent ou ressent, comprend ou élabore. Lui laisser l’espace et le temps, les coudées franches et la liberté de ne rien faire, de non-faire ou de se taire. Avoir le même éventail pour se rafraîchir ne signifie pas avoir les même idées.

On s’entend penser : une infinité de signes disent le doute, l’intention voilée, les enjeux… Comment se nourrir des savoirs et questions que nous partageons ? Cela ne va pas sans étonnement.

Plonger dans ses propres sensations en écho avec celles du corps accompagné, le sien ou celui d’autrui, demande d’écouter le tact de la main qui se sculpte pour sculpter à son tour. Elle devient aile repliée ou déployée, duvet ou pétale, coquillage, cobra ou dents de chat, chenille ou étoile de mer, tant les pressions et tensions adéquates demandent de précision. La main se fait coton, soie, lin ou laine pour les grands enveloppements. Ou bien elle suspend son geste, le temps que l’orchestre des sensations s’accorde.

Dans l’infini des possibles, un seul geste est « juste » à chaque instant... comment l’atteindre sans l’attendre ? De cette impossibilité même naît la justesse du vivant, qui tâtonne, hésite parfois, mais c’est pour mieux tracer la voie invisible et pourtant si présente, comme les volutes du loche fumant.

Andréine Bel