On réfléchit mieux à plusieurs que seul. Encore faut-il savoir réfléchir ensemble, ne pas réfléchir à la place d’autrui. Ne pas pré-supposer ce que « l’autre » sent ou ressent, observe ou fait, comprend ou élabore. Lui laisser le temps et l'espace, les coudées franches et la liberté de ne rien faire, de non-faire, se taire. Avoir le même éventail ne signifie pas avoir les même idées.
On s’entend penser mutuellement. Une infinité de signes disent le doute, l’intention, les enjeux… Comment les dépasser ? Se nourrir des savoirs et questions que nous partageons ne va pas sans étonnement.
Plonger dans ses propres sensations en écho avec celles de la partie accompagnée demande d’écouter le tact de la main qui se sculpte pour sculpter à son tour. Elle devient aile déployée ou repliée, duvet ou pétale, coquillage, cobra ou dents de chat, chenille ou étoile de mer, tant les pressions et tensions adéquates demandent de précision. La main se fait coton, soie, lin ou laine pour les grands enveloppements. Ou bien elle suspend son geste, le temps que l’orchestre des sensations s’accorde.C’est l’ardente patience, toujours récompensée.
Dans l’infini des possibles, un seul geste est « juste » à chaque instant... comment l’atteindre sans l’attendre ? De cette impossibilité même naît le toucher du vivant, qui tâtonne, hésite parfois, mais c’est pour mieux tracer la voie invisible et pourtant si présente, comme les volutes du loche fumant.
Andréine Bel